Homélie du lundi 8 février 2021

8 Fév 2021 | Homélies

Père Gilles Rousselet

Solennité du Cœur Immaculé de Marie       Is 61, 10-62,4 ; Ps 44, 11-16 ; Lc 2, 15-19

(liturgie propre à la Congrégation de Jésus et de Marie)

Introduction à la célébration

Nous sommes aujourd’hui en communion avec les Eudistes puisque nous célébrons dans le monde entier la solennité du Cœur immaculé de Marie. Saint Jean Eudes est vraiment celui qui, pour la première fois, a fait célébrer le culte liturgique du Sacré Cœur de Marie ; c’est le fruit de son expérience personnelle. Les biographes du saint disent que St Jean Eudes a reçu la grâce d’une présence particulière de la Vierge Marie dans sa vie. Il semble qu’elle lui soit apparue assez tôt et qu’il a vraiment répondu à cette grâce par toute sa vie. Très tôt, il a mis un anneau au doigt d’une statue de la Vierge Marie et il a écrit un contrat d’une sainte alliance assez comparable à un contrat de mariage. ll y est resté fidèle puisqu’un an avant sa mort, il a renouvelé ce contrat et il a demandé aussi que ce document soit déposé dans son cercueil.

Toute la vie de St Jean-Eudes a été marquée par une grâce mariale qu’il veut nous communiquer. C’est pour cela que très tôt, il a invité les Eudistes à célébrer cette fête à laquelle vous êtes associés pour votre plus grande joie, je l’espère. Et un culte liturgique, c’est une manière d’exprimer notre action de grâce, notre reconnaissance de tout ce que Dieu a fait par Marie. Et si dans ce chant d’entrée nous avons proclamé que « Jésus s’est manifesté », s’il y a bien une créature dans laquelle Jésus, Visage de la miséricorde, s’est manifesté, c’est bien dans celui de Marie. Mais tout comme Dieu est pour nous, Marie est pour nous. Thérèse de Lisieux disait que Marie est plus reine que Mère mais elle est aussi reine de ce Royaume de justice où les petits ont la première place.

 L’expérience spirituelle de Saint Jean Eudes avec la Vierge Marie est vraiment le roc, le pilier sur lequel s’appuie toute sa vie ; et on peut dire que les choses se sont passées comme cela : Saint Jean Eudes est déjà le fruit d’un miracle. Ses parents n’arrivaient pas à avoir d’enfant et ont fait une promesse en se rendant en pèlerinage à Notre Dame de la Délivrande : consacrer leur premier fils à Dieu si leur prière était exaucée. Ils ont eu plusieurs enfants : ils ont été bien exaucés… St Jean Eudes, le fils aîné, a été consacré à Dieu d’une manière particulière par ses parents et sûrement, puisqu’il s’agissait de Notre Dame de la Délivrande, un sanctuaire qui existe toujours, cette consécration devait certainement s’accomplir par la Vierge Marie qui lui a manifesté très tôt sa présence ; une grâce d’union mystique. Il y a quelques saints qui ont bénéficié de cette grâce. Les biographes attestent que St Jean Eudes a reçu cette grâce et lui-même l’atteste dans un de ses douze volumes d’écrits qui sont des reprises de son apostolat, ses prédications. St Jean Eudes était plutôt un pasteur qu’un théologien, même s’il était un excellent théologien. À un endroit, il dit, et dans tous ses écrits en particulier dans ce livre qui s’appelle « Le Cœur admirable », il atteste vraiment qu’il a reçu une grâce très particulière, qu’il exprime avec toute sa sensibilité : « Oh !… Ah !… Ah !… » qui est un peu le langage de l’époque, et qui a vraiment enraciné son apostolat très profondément dans cette présence mariale, dans cette certitude que Marie a posé sa main sur lui. Il va formuler le trésor de Marie, à travers ce vocabulaire particulier qu’on n’utilise plus tellement malheureusement à notre époque, qui est le « cœur » avec tout ce qu’il représente.

 Et donc St Jean Eudes contemple Marie et il trouve évidemment en Marie une œuvre absolument extraordinaire, admirable. Que tout ce qui est dit sur Marie ne pourra jamais décrire la grandeur et la beauté de cette œuvre, de cette créature sur laquelle Dieu a posé sa main d’une manière particulière. Mais pour vraiment comprendre cela, il faut regarder Jésus lui-même. Et le Père, c’est-à-dire le Père qui aime éternellement son Fils, le Verbe, celui qui va s’incarner, a trouvé évidemment pour son Fils une Maman comme on en rêve tous ! Mieux que la maman dont on rêve, on a la maman qu’on a eue. Mais évidemment, Dieu a préparé pour son Fils une demeure extraordinaire, qui est la Vierge Marie. Et Dieu l’a préparée à la manière de Dieu. Il aurait pu en faire une œuvre colossale. En fait Dieu a choisi une petite jeune fille qui vivait quelque part… Et il l’a préparée en la préservant du péché originel, mais ce qui ne l’a pas du tout préservée de sa liberté : Marie est complètement libre. Et c’est parce qu’elle est préservée du péché originel qu’elle est complètement libre et complètement associée à cette œuvre. Des gens disent que Marie est une enveloppe, juste un moyen, un chemin emprunté par Dieu pour venir jusqu’à nous ; et une fois que Dieu est venu jusqu’ à nous, il a moins besoin du chemin emprunté… En fait, c’est tout à fait l’inverse puisque si Dieu passe par Marie pour venir jusqu’à nous, nous devons accepter de passer par Marie pour aller jusqu’à Dieu. Même si tout cela s’accomplit par la Pâque du Christ, par son incarnation et son sacrifice rédempteur.

 Dieu a choisi et préparé Marie comme Dieu le fait : en choisissant ce qu’il y a de plus petit, de plus fragile, de plus vulnérable, une toute jeune fille pour être la mère de Dieu et l’associer pleinement à la rédemption : nous reconnaissons de plus en plus que Marie est médiatrice de toute grâce. Evidemment toutes les grâces viennent de Dieu, en Jésus, bien sûr ! Sans Jésus rien n’est possible ! St Jean Eudes dit d’ailleurs que sans Jésus Marie n’est rien. Elle n’est rien d’elle-même mais elle est tout par son Fils. Et il y a une très belle expression utilisée chez les Eudistes, qui dit que Marie est « une icône de Dieu ». Pas seulement la peinture, mais l’icône comme l’expression de la prière, de l’action de grâce, de la joie, l’expression de la passion de Dieu qui se révèle en Marie. Quand nous regardons Marie, nous regardons l’œuvre de Dieu est nous avons toutes les raisons d’être dans la joie, dans le Magnificat pour tout ce que Dieu a accompli en Marie pour nous. Et quand nous contemplons Marie, nous contemplons aussi notre destinée. Il n’y a pas de distance : comme Dieu a agi, il a aboli toutes distances. Quand nous contemplons Marie, il n’y a pas de distance. La contemplation de Marie nous fait entrer dans cette proximité de Dieu qui est celle d’une mère qui accueille son enfant dans son sein, qui le prend dans ses bras, en particulier quand il est le plus fragile, le plus vulnérable, le plus blessé par le péché. C’est ça que nous contemplons en Marie. Nous contemplons le désir que Dieu a d’abolir toute frontière, tout abîme, toute séparation… Il n’y a plus de séparation. Si quelqu’un doute de l’amour de Dieu pour lui ou pour elle, si quelqu’un doute qu’il peut bénéficier du pardon de Dieu compte tenu de ce qu’il a fait comme péché, aussi grave qu’il puisse s’en commettre comme disait Thérèse de Lisieux, en contemplant Marie, cette peur, cette angoisse disparaît instantanément. Car nous voyons en elle que Dieu a aboli toute distance. Et c’est ça que St Jean Eudes exprime dans le cœur de Marie.

 Après on peut méditer les textes que nous avons lus, ceux choisis par St Jean Eudes. (Il y en a d’autres, mais compte tenu que c’est une messe de semaine et que je comprends l’inquiétude de Marie-Anne qui va devoir retranscrire cette homélie…) mais ce sont les textes choisis par St Jean-Eudes pour cette solennité ; et il y a ce psaume est très beau « les plus riches de ton peuple quêteront ton sourire. » Le pape Benoît XVI avait fait une très belle homélie sur ce psaume : les plus riches sont les riches du Royaume, ce sont donc les plus pauvres : « heureux les pauvres de cœur, le royaume est à eux. » ! Les pauvres de cœur, qui sont les plus riches du royaume, quêtent le sourire de Marie. C’est ce que disait Ste Bernadette quand elle parle des apparitions de Marie (on est justement dans la période des apparitions) : « Elle me regardait et elle me souriait » ça aussi, ça dit la réalité du cœur de Dieu sur nous. Il n’y a jamais de dégoût ! Vous imaginez une maman qui accueillerait son enfant tout sale, tout crasseux et qui lui dirait « Va te laver, tu pues ! » Marie, non… Notre maman, notre mère du Ciel n’a aucun dégoût parce qu’elle a contemplé le cœur de Dieu et qu’elle manifeste auprès de nous ce qu’il y a dans le cœur de Dieu. Marie n’a rien inventé, elle a contemplé, elle a reçu. Et dans ce sens-là, Marie est vraiment une icône de la miséricorde de Dieu. Vous voyez pourquoi on a autant besoin d’elle. Aucun chrétien qui voudrait avancer dans la foi chrétienne ne pourrait se passer de Marie. D’ailleurs Jésus ne nous l’aurait pas donnée pour notre mère s’il ne savait pas, lui, à quel point nous avons besoin d’elle : « Voici ta mère ».

Dans la finale de l’évangile « Marie gardait et méditait ces événements dans son cœur ». Il y a beaucoup de choses qui ne nous sont pas accessibles, peut-être parce qu’on a un cœur fermé, qu’on est trop raisonnable, trop cartésien, trop ignorant, je ne sais pas… Mais si on se met à l’école de la Vierge Marie et en particulier dans la méditation du chapelet, alors certainement que Marie va diffuser en nous tous les fruits de sa contemplation éternelle des mystères de la vie de son Fils.

Amen