Homélie du jeudi 16 avril 2020 – Père Gilles Rousselet

16 Avr 2020 | Actualité, Homélies

Jeudi de l’Octave de Pâques – Ac 3, 11-26 ; Ps 8 ; Lc 24, 35-48

Continuons notre cheminement avec ces récits d’apparition du ressuscité. On constate qu’il y a un autre combat que celui auquel nous avons assisté, je ne sais pas dans quel état d’esprit pour chacun d’entre nous, pendant la Passion de Jésus. L’autre combat, c’est l’oeuvre de Dieu qui se poursuit. Comme dit la Parole de Dieu : l’oeuvre de Dieu c’est que nous croyions en celui qu’il a envoyé. Ce qui se passe là, le travail du ressuscité, de l’Esprit Saint avec lui car l’un ne va pas sans l’autre, et aussi l’oeuvre du Père, continue de s’accomplir pour que, au terme, nous  croyions en celui qu’il a envoyé. Et l’enjeu est décisif, parce que l’Église aujourd’hui, la foi répandue dans le monde s’appuie vraiment sur les colonnes de l’Église, ces hommes qui, nous le voyons bien dans l’évangile, ont tellement peiné à croire. Et je pense que pour Jésus, c’est pour ça que je parle d’un combat, d’un combat décisif, si après tout ce qu’il avait fait, personne au terme de ces événéments ne croyait en lui, que serions-nous aujourd’hui ?

Notre foi repose sur le témoignage des apôtres et on comprend que Jésus ai multiplié tellement de moyens, avec l’impression d’une certaine manière que ça n’aboutit pas. Jésus est confronté à cette résistance. Je voudrais croire plutôt que dans le cheminement de chacun des apôtres, à ce moment là, il y a vraiment un itinéraire : chacun de nous peut reconnaître les résistances qu’il y a en nous, à l’annonce de la résurrection, de la Bonne Nouvelle.

Hier, nous avons eu une rencontre avec les catéchumènes, et on parlait justement de cette prise de conscience que, quand Jésus est mort sur la croix, il est mort et il a vécu la Passion pour chacun de nous. Thérèse de Lisieux dit : “Rappelle-toi, Jésus, quand tu mourais sur la croix, tu pensais à moi.” Et l’expérience décisive de Saint Paul est qu’il a donné sa vie pour moi, moi qui suis le plus grand pécheur. Le confesseur de Sainte Thérèse disait qu’elle n’avait jamais commis de péchés graves : on peut se dire que Jésus est mort pour cette jeune fille qui n’a jamais commis de péchés graves, mais ce n’est pas du tout ce que pensait Thérèse de Lisieux. Et ça n’est pas du tout l’expérience de Paul : Paul-Saul  a vraiment persécuté des chrétiens, il a été le plus grand persécuteur de la croix. Et il est devenu, par cette grâce de la conversion, par cette expérience qu’il fait que Jésus est mort pour lui, le plus grand apôtre de la croix.

Comment Jésus va agir pour venir à bout de ces résistances ? Il arrive et il est au milieu de nous “La Paix soit avec vous .” C’est aussi la salutation, la paix c’est Jésus lui-même. Tout à l’heure, juste avant la communion, nous allons nous donner la Paix, ce n’est pas un geste ou un signe : vraiment nous nous donnons le Christ, notre Paix.

Il prend cette initiative, il est au milieu d’eux. L’autre aspect qui est aussi important, c’est qu’il fait faire aux disciples le passage entre le crucifié et le ressuscité. Quand il leur montre ses plaies, il leur montre que celui qui est là, devant eux, est bien le crucifié : c’est la même personne.

Après, le fait qu’il leur demande quelque chose à manger, c’est un autre enseignement théologique extrêmement fort : Jésus n’est pas un fantôme ! Il peut manger de ce poisson.

Comment s’accomplit ce miracle ? Précisément par la Parole de Dieu. C ‘est à dire qu’il va, comme pour les pèlerins d’Emmaüs, ouvrir leur intelligence aux Écritures. Et c’est là que s’accomplit la transformation. Et vous voyez, c’est pour ça qu’au coeur de nos eucharisties, depuis Vatican II, on a retrouvé et mis en valeur cette deuxième table où nous recevons une nourriture incomparable : c’est la table de la Parole de Dieu. Il y a la table de l’eucharistie, mais elle est absolument inséparable de la table de la Parole de Dieu. Et la Parole de Dieu n’est plus un texte, mais une personne. Quand on proclame l’évangile en disant : le Seigneur soit avec vous et que l’assemblée répond “Et avec votre esprit”, et j’espère que même à travers les caméras et les réseaux sociaux vous répondez cela, nous attestons que cette Parole n’est plus un texte, mais une rencontre personnelle avec le Christ, le Verbe de Dieu fait chair pour que nous puissions nous nourrir de cette Parole, que notre esprit soit ouvert à l’intelligence des Écritures. À chaque fois que nous venons à la messe se produit ce miracle de l’ouverture, de l’abattement de tous les obstacles qui nous empêchent vraiment de vivre de la Parole de Dieu.

Ce verbe “ouvrir” on dit que c’est un verbe thérapeutique : il y a vraiment une guérison. C’est le même verbe utilisé dans les évangiles lorsque Jésus ouvre les yeux des aveugles, quand il ouvre les oreilles de ceux qui sont sourds, quand il vient ouvrir la bouche de ceux qui sont muets, c’est véritablement un verbe thérapeutique. Il ouvre notre esprit parce qu’il y a une fermeture de notre esprit à l’intelligence des Écritures. Et c’est cela le grand miracle, l’enjeu de ce combat. Et Jésus y a mis toute sa détermination. Et la fin des récits d’apparition, Jésus souffle son Esprit sur les apôtres et “d’aucun doutèrent encore.” Certains doutent encore ! Même après avoir vu le Christ ressuscité, même après avoir reçu son Esprit Saint, il y en a encore qui doutent !

Et je pense que chacun de nous, à  certains moments de notre vie, il nous arrive encore de douter de sa résurrection, de douter que Jésus a fait tout cela pour moi. Ai-je vraiment conscience que Jésus a fait tout ça pour moi ? Est ce que j’ai vraiment conscience que Jésus est ressuscité, donc que je suis ressuscité ? Nous sommes tous ressuscités ! C’est un changement copernicien de notre vie, nous sommes ressuscités ! Pas seulement la résurrection après la mort, mais la résurrection pour aujourd’hui. C’est ce que Jésus dit à Marthe “Je suis la résurrection”. Pas seulement la résurrection des morts ! “Qui mange mon pain a la vie éternelle.” Nous l’avons déjà ! C’est pour cela que c’est tellement important, en ce temps de confinement, de laisser grandir en nous la faim de l’eucharistie, et aussi, tout autant, la faim de la Parole de Dieu.

Je pense que nous pouvons prendre du temps dans ce temps de confinement et le demander dans la prière : Seigneur, donne-nous le temps de goûter ta Parole. Marie-Anne hier, dans la rencontre Hosanna’M, a fait un enseignement sur les petits pains de la Parole de Dieu. C’est très beau de parler de petits pains de la Parole. Elle disait que la bible est une boulangerie ouverte en permanence, une boulangerie dans laquelle nous pouvons venir chercher notre pain quotidien. C’est ce que nous demandons dans le Notre Père. Et de croire vraiment que dans ce contact avec la Parole de Dieu, par l’Esprit Saint, notre esprit s’ouvre à l’intelligence des Écritures. Nous sommes guéris, nous sommes guéris ! C’est la plus grande guérison qui soit : que notre coeur s’ouvre enfin à la réalité de la résurrection.

Enfin, il y a ce petit verset qui termine l’évangile que nous venons d’entendre : “A vous d’en être témoins ! “ Toute l’oeuvre de Dieu, c’est que finalement, notre esprit ouvert à l’intelligence des Écritures, nous comprenions vraiment que Christ est ressuscité, que la mort est vaincue et que nous sommes ressuscités. Et maintenant Jésus dit : ok, c’est le temps pour vous d’être les témoins de tout ça. Dans la vocation baptismale, dans la vocation des ressuscités que nous sommes, il y a de manière absolument inséparable cet appel à la mission. Que le Seigneur envoie sur nous son Esprit Saint, sur chacun de vous, sur moi, sur tout le monde, pour que nous soyons des témoins au coeur brûlant, des témoins contaminés par le virus de la foi, et des témoins qui n’ont qu’un seul désir : que l’évangile se propage. Et ça sera la plus extraordinaire manière de transformer le monde. Amen